À pied dans l'Histoire, Carentan

La galerie couverte bordant le côté nord de la place de la République est le témoin le plus ancien de l'architecture civile de Carentan, exemple unique en Normandie d'un long passage couvert par quatre maisons, donnant sur la place grâce à 9 arcades d'un pur style gothique. Elles seraient les restes d'un ancien marché couvert du XIVe siècle. Une dixième arcade gothique ferme le passage à l'extrémité ouest, une autre, en anse de panier, plus récente, ferme la galerie à l'est. Le passage est donc complet.

Ce très imposant lavoir fut construit entre 1784 et 1786, sur un terrain cédé gracieusement par la Communauté des Soeurs Augustines, dans le très vieux quartier dit « des Fontaines », du fait de la présence de plusieurs sources.

Le lavoir, grand bassin peu profond, en larges dalles de pierres appareillées est à ciel ouvert. Le chaperon, incliné vers l'eau, est en belle pierre de taille d'Yvetot. Il est entouré d'une allée couverte de plus de 2m de large permettant une circulation aisée. L'imposante charpente de bois est supportée par 28 piliers carrés en pierres de Caen. L'eau arrive dans le bassin par une magnifique gargouille sculptée en forme de dauphin. Juste derrière le réservoir octogonal, en montant les petites marches sur la droite, un petit couloir d'eau aménagé passe sous les racines d'un arbre : la source qui alimente le lavoir.

En 1877, une chambre de captage en maçonnerie est construite, elle servait à alimenter le premier réseau d'alimentation en eau courante. Elle a également servi de cressonnière et aujourd'hui permet le remplissage du lavoir après une vidange.

À gauche du lavoir, remarquez le réservoir surélevé construit en 1920. Premier château d'eau de Carentan. Il permit un premier agrandissement du réseau de distribution d'eau et fut remplacé par le château d'eau actuel à la fin des années 1940.

Remarquez également sur les piliers les graffitis laissés par quelques-uns des 2 500 soldats du centre d'instruction de l'armée belge qu'a accueilli Carentan dès 1914.

La construction de cet Hôtel particulier commença vers 1757 avec Alexandre Durand de la Broderie et se termina avec 1770 avec Bon Jean François Enouf. En 1863, il devint la propriété de la famille Le Bidois qui le revendit en 1903 à la famille Renouf. Plusieurs grandes familles carentanaises se succèderont comme : Enouf, Sivard et Le Véel. Ils y laisseront d'ailleurs leurs initiales sur la rambarde du balcon en fer forgé, au-dessus de la porte principale.

Côté rue, la partie centrale est surmontée d'un large fronton triangulaire. De chaque côté, les fenêtres, lucarnes et cheminées se répondent deux par deux.

Côté jardin, un grand escalier à double volée muni d'une rampe en fer forgé mène à l'entrée. Au rez de chaussée et premier étage, les linteaux des fenêtres sont cintrés et droits au deuxième étage. Au dernier étage, quatre lucarnes encadrent un fronton triangulaire.

Vers 1930, acheté par des médecins, il deviendra clinique chirurgicale dotée d'une maternité. En 1944, elle sera transformée en infirmerie par le 308th Medical Bn, 83rd US ID. De nombreux soldats américains blessés lors de la bataille de Carentan y furent soignés. La clinique ferma définitivement en 2009.

L'ensemble se compose aujourd'hui d'un corps principal majestueux et de deux "ailes" en retours. L'aile gauche "polychrome", la plus ancienne, fut bâtie de 1644 à 1652 par les Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame, qui inaugurèrent leur couvent en 1652. Un avant-corps vient rythmer la façade. On remarquera une très belle série de cinq baies géminées d'inspiration Renaissance arrondies par le haut et séparées par une colonne dont le chapiteau ionique est orné de coquilles, monogrammes et symboles religieux. À l'extrémité se trouvait une chapelle et un cimetière fermant ainsi la cour intérieure "actuel cinéma).

Le corps principal, datant de 1717 à 1719, se compose de trois avant-corps : deux angulaires avec frontons triangulaires, un central avec fronton semi-circulaire. Un incendie le ravagea en 1987. L'aile droite datant de la fin du XVIIIe siècle servit d'école et de pensionnat aux Soeurs (actuelle médiathèque).

En novembre 1792, les religieuses furent chassées, mais les bâtiments ne furent pas vendus comme bien nationaux. Ils servent de caserne, gendarmerie, d'écoles et enfin d'Hôtel de ville depuis 1926.

Entre juin et août 1944, le Major John Maginnis, officier en charge des affaires civiles et administrateur du bureau des affaires civiles américaines, s'est installé dans ce lieu. Ce bureau avait pour mission de contrôler et d'assurer la sécurité des populations civiles dans les zones de guerre afin de participer au retour à la normale de la vie des Carentanais.

Sur votre passage, vous trouverez sur votre gauche à l'entrée de la place Vauban, la rue des prêtres, dans laquelle vous pourrez admirer l'Hôtel de Lessey.

La famille d'Auxais de Sainte-Marie-du-Mont le construisit au XVIIIe siècle, et fut acheté peu de temps après sa construction, en 1756, par Guillaume Desplanques de Lessey, gouverneur de Carentan. Le porche monumental atteste de la présence d'un hôtel particulier qui n'était composé que d'un étage. En 1821, il est racheté par des religieuses et abrite alors une école. Le porche est muré en 1927 et un second étage est ajouté, modifiant les proportions d'origine. Le grand bâtiment haut à l'angle servit brièvement de séminaire. Vous apercevez rue Notre-Dame, la Chapelle Notre-Dame.

Ce nom lui vient du propriétaire de l'époque, M. Chanvalon, maire de Carentan entre 1800 et 1824.

Cette demeure date du XVIIe siècle. Elle était deux fois moins importante. La cave, admirablement voûtée, date de cette époque. Vers 1730, une aile est ajoutée et l'ensemble remanié dans le style XVIIIe siècle : grand escalier de pierre, lambris et beaux parquets, grandes fenêtres et lucarnes.

Dans le grand salon, côté jardin, fut reçu l'empereur Napoléon 1er et l'impératrice Marie-Louise, le 25 mai 1811, lors de son voyage à Cherbourg, Napoléon ayant décidé de travaux d'asséchement dans les marais. Il devint l'actuel presbytère en 1840.

L'importance de la vicomté de Carentan et par la suite de son imposante église s'explique par la position même du bourg, unique lieu de passage entre le Cotentin et le reste du duché de Normandie. L'église fut édifiée au XIe siècle. De l'époque romane ne subsistent que le portail ouest, la partie inférieure des piliers, les quatre maîtres-piliers de la croisée de transept avec les arcades romanes et leurs chapiteaux décorés de sirènes et autres monstres.

Elle fut ruinée par les ravages de la Guerre de Cent Ans. Les Anglais, établis depuis 1418 à Carentan, commencent vers 1440 la reconstruction de l'église qui tombait en ruine. Elle commence par la nef, le collatéral sud, et le superbe clocher, dans le style gothique. Sa superficie est doublée par la construction du choeur gothique flamboyant, à deux niveaux, du déambulatoire et du collatéral nord vers 1466, grâce aux largesses de Guillaume de Cerisay, bailli du Cotentin. En 1517, la Chapelle du Rosaire, consacrée à la Vierge Marie, est ajoutée à l'extrémité du chœur ainsi que la barrière entourant le chœur et une quinzaine de verrières.

Côté cœur de ville, la façade sud est richement sculptée : quatre anges musiciens, Saint-Michel terrassant le diable et le restes d'une chasse à coure sur le portail.

En 1944, les bombardements américains causèrent de graves dégâts à la flèche, à la toiture, au grand portail ouest et au chœur. L'orgue fut très endommagé, l'horloge détériorée.

Les vitraux : l'église Notre-Dame de Carentan possède un ensemble remarquable de vitraux (15 verrières du XVe siècle, 1 verrière du XVIe siècle, 6 verrières du XIXe siècle, 2 verrières réalisées à la manière du XVe siècle en 1987 et 1 verrière réalisée en 1955 en l'honneur de la libération de Carentan par les soldats de la 101e Airborne en 1944 représentant des scènes de guerre : parachutages au-dessus des marais de Carentan, une famille en exode, médecin et soldats en action et l'écusson de la 101e Airborne.

Les peintures : "Assomption de la Vierge" dans le choeur, "Donation du Rosaire" dans la chapelle, "L'Annonciation" dans le transept sud et une "Crucifixion de Saint-Pierre" du XVIe siècle.

Le grand orgue Notre-Dame : classé MH pour le buffet et la tuyauterie, restauré selon l'esprit classique de la fin du XVIIe siècle, il est l'un des rares instruments de ce style dans le département de la Manche. Il a été réalisé de 1803 à 1805. Il est l'oeuvre de Louis Lair, facteur d'orgue au Mans.

Au XVIIe siècle, cet Hôtel particulier, situé dans la ville close, était composée de trois habitations. Au XVIIIe siècle, Jacques Rouxelin de Longbois réunira l'ensemble en une façade typique de cette époque. La porte, au linteau largement cintré et très sculpté, sert de point d'équilibre aux 13 grandes fenêtres. Un balcon de pierre avec balustrade en fer forgé apporte une note de fantaisie. Côté place, l'appareillage du mur en pierre avec ses rangées régulières de moëllons est remarquable. Un porche discret s'ouvre sur la cour intérieure. À noter sur la toiture, une tête de monstre, élément d'époque médiévale.

Une place nous informe qu'Honoré de Balzac situe l'action de sa nouvelle. "Le Réquisitionnaire", dans cette maison, le personnage principal étant Mme de Dey (autre nom de cet Hôtel).

Bien antérieurement au port de plaisance actuel, un port fut installé à Carentan par la famille gauloise des Unelles et détruit par les invasions barbares de la fin du IVe siècle.

Au Moyen-Âge, un port fut établi à proximité des murailles de la ville au "Quai-au-Vin" dans le lit de la rivière des Gouffres qui se jetait dans la Taute. Un trafic de marchandises (salaisons, grains, volailles, vin, sel, de "bourrées de jonc" alimentent les fours à ban) s'opérait par les gabares naviguant dans les marais.

Avant 1700, des bateaux de 100 à 200 tonneaux remontaient jusqu'à la ville, mais l'ensablement, les atterrissements condamnèrent ce port. Après 1700, pour des raisons d'hygiène mais aussi stratégiques et économiques, on envisageait des travaux importants d'assèchement des marais entourant la ville.

Sous l'impulsion de Napoléon 1er dès 1805, un grand canal est commencé ; des ouvriers du pays, des prisonniers espagnols, russes et des déserteurs y travaillent. Mais le chantier est abandonné. Par la suite, un projet de port prévoit d'utiliser le magnifique canal du Haut Dick avec une écluse à double sassement. Les travaux commencent en 1841 et le port entre en service dès 1847.

Un trafic important entre le Havre et Carentan se développa alors, apportant prospérité à la ville et ce jusqu'en 1940. En juin 1944, les opérations consécutives au débarquement allié causèrent des dégâts importants : les écluses étant détruites, l'ensablement reprit. On attendra 1981 pour rétablir l'activité portuaire mais uniquement vouée au nautisme.

En 1983, le port de Carentan est ouvert aux plaisanciers. Le bassin, entouré de verdures est parfaitement intégré dans la ville. Il est classé Pavillon Bleu d'Europe depuis l'origine de ce classement pour la qualité de ses équipements et de son environnement. Aujourd'hui, il peut accueillir environ 350 bateaux. Un circuit fait le tour du bassin en passant par les écluses.

Il a été conçu afin de ne pas détériorer la perspective du canal dans le site sensible des marais. Architecture du XXe siècle, cet ouvrage d'art est unique en France. Il permet le passage de la RN 13 en 4 voies sous le bassin à flots entre le port de plaisance et la mer.

L'un des principaux problèmes posés par cette conception est celui de la résistance aux poussées hydrostatiques résultant de la présence d'une nappe d'eau quasi affleurante, la chaussée se trouvant située 10 m en dessous du niveau du canal. Un drainage des eaux est effectué par pompage ; une surveillance permanente a été mise en place.

D'un point de vue esthétique, l'architecte, Charles Lavigne, a eu l'idée d'exploiter la présence de butons qui reprennent les poussées exercées latéralement sur les parois, pour évoquer la membrure inversée d'une coque de navire en bois. En attendant, ne soyez pas surpris si, par hasard en passant sous le pont canal, vous apercevez un voilier passer au-dessus de votre voiture !

Depuis les écluses, magnifique vue sur le chenal de Carentan à la mer dans la Baie des Veys, large estuaire où se jettent les quatre fleuves qui irriguent le marais : à droite la Douve, à qui gauche la Taute. Dans cette baie se produit un phénomène naturel : le mascaret.

Le couple Eugénie Le Haguais et Joachim Lepelletier s'installent à Carentan vers 1866 avec leurs deux enfants, Elisabeth et Théodore pour développer leur commerce de beurre.

De l'autre côté du canal de jonction situé à Saint-Hilaire-Petitville, ils développent une briqueterie et une flotte marchande pour faciliter leurs exportations. À la mort de Joachim Lepelletier en 1898, l'entreprise est divisée en deux parties : la briqueterie et la flotte marchande reviendront à Théodore et la laiterie reviendra à Elisabeth. Elisabeth et son époux développeront l'entreprise et mettront en place un procédé de lait stérilisé et homogénéisé.

En 1923, l'entreprise est cédée à la société AMPCO qui fondera la filiale Gloria en 1929. Racheté par le groupe Nestlé en 1985, le site fermera ses portes en 1994.

On peut voir ici une belle façade d'une maison d'armateur second Empire avec blason : bateau à vapeur. A quelques mètres, vous apercevez cet étonnant portail sur une façade de maison du XIXe siècle.

Lorsque vous passerez dans la rue du Château, vous vous demanderez peut-être pourquoi cette rue s'appelle ainsi. Remontons le temps... Il se trouvait au bas de la rue qui porte son nom et sur la partie basse de la place du Grand Valnoble. Il n'a jamais eu de seigneur ; il s'agissait d'un château défensif commandé par un capitaine gouverneur, la ville était alors ceinturée de fortifications demandées par Saint Louis lors de sa première visite à Carentan en 1240.

Construit entre le XIIe et le XIIIe siècle, il fut brûlé en 1346 par Edouard II d'Angleterre et les fortifications détruites, puis reconstruites vers 1460 et renforcées en 1745 d'une deuxième enceinte, à la Vauban, avec bastions avancés et portes fortifiées. Une redoute fortifiée s'avancera jusqu'au fleuve Taute pour contrôler le trafic fluvial ; pendant la guerre de Cent Ans, la ville changea plusieurs fois de mains.

Lors du déclassement de Carentan des Places de Guerre, en 1853, le château est en ruines faute d'entretien et n'ayant plus aucune utilité, ordre fut donné de le démanteler ainsi que les remparts qui ceinturaient la cité.

En revenant sur la place de la République, à l'entrée de la venelle de Saint Germain, ancienne rue de la prison, vous pouvez apercevoir la façade en pierre d'époque médiévale d'une imposante maison avec d'étroites ouvertures, un petit encorbellement et une tour d'escalier à l'arrière, nombreuses dans ce quartier de Carentan. Longtemps ville administrative et bourgeoise, elle fut le siège de nombreux tribunaux avec plus de 40 titulaires d'offices : procureurs, avocats, substituts, huissiers...